Christ mourant sur la croix
Pierre Puget, vers 1660-1670
« Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. »
(Première Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1, 18)
ENTRÉE
Nous voici au cœur du XVIIe siècle, à cheval entre la Rome des Papes et la France du Roi-Soleil. Pierre Puget est peintre, architecte, sculpteur, décorateur. Il fait ses premières armes à Rome, puis s’installe à Toulon. Il est surtout réputé pour ses sculptures. De 1661 à 1668, il travaille à Gênes.
La terre cuite représentant le Christ mourant sur la croix date peut-être de cette époque. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une partie d’une composition plus grande ou d’une œuvre destinée à la dévotion privée.
LECTURE DE L’ŒUVRE
L’arrière-plan de l’œuvre est une sorte de ciel nuageux et tourmenté, évoqué par des coups de pinceaux tourbillonnants. Il n’y a pas de cadre narratif à cette crucifixion, ce qui en fait un drame atemporel, transporté au cœur de chaque conscience personnelle.
Autre particularité, le Christ n’est pas représenté mort. Il est encore en vie. Ses pieds ne sont pas fixés par un seul clou selon la représentation traditionnelle. Les jambes ne sont donc pas croisées, mais appuyées sur le socle. Le corps garde toutefois un léger déhanchement, accentué par l’envol du pagne, qui lui donne encore l’idée d’un reste de vitalité. Il est magnifié et ne paraît pas abîmé. Pas de couronne d’épines, à peine quelques gouttes de sang. La crucifixion expose la beauté du « plus beau des enfants des hommes » (Ps 45,3), cherchant à émouvoir le regard du spectateur troublé par cette sensualité (qui s’accueille, dans l’âme baroque, comme une métaphore de l’amour divin) et bouleversé par la violence qui lui est faite. Cependant le mouvement du Christ n’a rien à voir avec les contorsions exaltées et douloureuses de nombre d’œuvres de Puget. Ici, le combat du Christ n’est pas contre sa mort : il semble l’accueillir docilement. Cette tranquillité nous conduit à nous centrer sur l’expression du visage. Les yeux sont tournés vers le ciel, la tête est relevée, couchée sur le bras, dans une posture évoquant la tendresse et l’abandon. Les yeux mi-clos disent la fatigue dans la lutte contre la douleur physique, mais plus encore la tristesse de cet homme-Dieu dont l’amour est rejeté.
La gravité de l’expression n’a d’égale que l’élancement vers le ciel, suscité par la courbe du corps et les bras démesurément allongés : cette crucifixion est presque une ascension !
ÉCHO SPIRITUEL
Nous avons tellement l’habitude de voir des crucifix. Savons-nous encore nous laisser émouvoir par l’attitude de cet homme qui, victime innocente, appelle ses bourreaux à lui donner non leur haine, mais leur amour ?
N’avons-nous pas envie, en le regardant, d’approcher notre oreille et de l’entendre murmurer : « Je te pardonne », « J’ai soif de ton amour » ?
Parfois, notre cœur est fermé, dur. Nous sommes tendus pour le tenir hermétiquement clos : nous considérons toute parole de pardon comme une faiblesse ou une folie qui nous détruirait. Mais sur la croix, opiniâtrement, Dieu ne cesse de nous inviter à nous ouvrir à son pardon, à le laisser nous remettre en route, nous soulever vers lui.
D’UNE ŒUVRE A L’AUTRE
En Jésus, Dieu, l’inconnaissable, l’infini, le tout-Autre, s’est fait créature, soumise à la loi de la mort. Mais, Ô mystère, il reste toujours ce qu’il est, au-delà de tout savoir. Écoutons des mystiques musulmans du XVIIIe s. nous parler de cette transcendance, en nous approchant d’un panneau mural iranien.
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