Bélisaire

Général de l’empereur romain Justinien (527-565), réduit à la mendicité, reconnu par un de ses anciens officiers

Jacques-Louis DAVID, 1784

191 - david - belisaire« Tu dis : « Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien », et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! Alors, je te le conseille : achète chez moi, pour t’enrichir, de l’or purifié au feu, des vêtements blancs pour te couvrir et ne pas laisser paraître la honte de ta nudité, un remède pour l’appliquer sur tes yeux afin que tu voies. »

(Apocalypse de Saint Jean, 3, 17-18)

ENTRÉE

David réalise ce tableau en s’inspirant d’un roman de Marmontel (1767) qui raconte l’histoire de Bélisaire.

Brave, audacieux, ce général des armées de l’empereur byzantin Justinien (VIe s.), commandant en chef victorieux, est victime de la jalousie de son souverain : celui-ci le disgracie et le condamne à avoir les yeux crevés. Bélisaire devient un mendiant. David cherche ainsi à illustrer le combat de son époque contre les excès d’un pouvoir monarchique arbitraire et ingrat.

 

LECTURE DE L’OEUVRE

191 - david - belisaire - mendiantAu pied d’une porte monumentale, ou d’un arc de triomphe, un vieux soldat aveugle mendie avec l’aide d’un enfant. Pour demander l’aumône, ce dernier tient à l’envers le casque du soldat. La finesse de sa décoration nous alerte : il s’agit d’un officier. En face d’eux, une femme drapée de blanc dépose une pièce. Elle parait émue devant cet enfant habillé lui aussi de blanc. Son regard compatissant contraste avec celui de l’homme qui se trouve derrière elle : un regard de surprise extrême. Le visage du soldat marque la stupéfaction, voire l’indignation ou la colère. Ses mains levées semblent exprimer le refus de la réalité qu’il découvre : ce vieux mendiant n’est autre que son ancien général qu’il admirait et vénérait profondément !

191 - david - belisaire - aumoneEntre cette révolte et la sollicitude de la femme, il y a l’indifférence des passants qui tournent le dos. Savent-ils que la majesté des monuments qui les entourent, ils la doivent en partie aux victoires passées de ce vieil homme ? Mais ironie du destin, la seule inscription apparente n’évoque aucun triomphe, aucune gloire humaine : juste cette plainte au pied de l’édifice : « donnez une obole à Bélisaire ».

Le soldat semble frappé par cette révélation. Il a les yeux soudainement grands ouverts sur la vanité du destin des hommes.

ECHO SPIRITUEL

Dans l’histoire humaine, l’injustice semble souvent victorieuse. David rend merveilleusement la réaction de révolte qui submerge le soldat devant la scène. Il rejoint notre propre sentiment quand les mérites ne sont pas reconnus, quand la dignité des personnes est bafouée. On peut alors entendre les plus cyniques louanger ceux qui réussissent en piétinant les valeurs de loyauté, d’honnêteté, de courage ou de don de soi. Est-ce à dire que la gloire humaine est une pure illusion ? Tout ce sur quoi le soldat fondait son existence semble s’effondrer.

Il est temps alors de reconstruire autrement notre confiance en la vie, de ne plus nous tromper sur la vraie valeur des choses. Voilà le projet d’une libération authentique, celle que nous propose le Christ : être libérés de nos aveuglements et recevoir de son Esprit un regard juste.