Relief représentant Mithra, Dieu iranien du soleil, sacrifiant le taureau
(Capitole, Rome, Italie 100 – 200 après J-C)
« Le Christ, lui, est le grand prêtre du bonheur qui vient. (…) il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel en répandant, non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu ainsi une libération définitive. »
(Lettre aux Hébreux 9,11-12)
ENTREE
Au IIe siècle après Jésus-Christ, des « cultes à mystères » tel celui de Mithra se développent dans tout l’empire romain. Ils se caractérisent par l’idée d’une connaissance parfaite, révélée à des initiés qui la transmettent dans des rites secrets et ésotériques. Opposant ciel et terre, esprit et corps, bien et mal, ils prétendent ouvrir le salut aux élus en les faisant accéder à l’explication totale du monde. Ils leur proposent de gagner leur délivrance en franchissant victorieusement différents degrés d’initiation.
LECTURE DE L’OEUVRE
La scène est impressionnante : nous sommes frappés par l’intensité et la violence de la représentation. Tout est fait pour que les participants au culte imaginent la présence de Mithra en personne pratiquant pour eux ce rite sacrificiel. À la force suggestive de cet immense relief s’ajoutent les symboles, en particulier les nombreux animaux, que les mythes transmis par les initiés aux néophytes permettaient de déchiffrer.
La scène semble se passer dans une grotte, les arbres évoquant la surface de la terre. Mais les chars du soleil et de la lune situent cette surface terrestre dans le monde du ciel, comme si il y avait une terre dans la lumière et une terre dans l’obscurité.
C’est pour ce monde de ténèbres que Mithra offre le salut : y reproduire la victoire de la lumière symbolisée par les porteurs de flambeau, parallèle souterrain des chars célestes. Sur le flanc du taureau, une inscription le rappelle : « Sol invictus » (soleil invaincu).
Le sacrifice du taureau libère l’énergie de la Nature et contribue au renouveau de la vie. Le monde animal semble se nourrir de cette offrande. Le sacrifice du taureau par Mithra dégage une force qui impulse un mouvement à tout l’univers et lui assure de ne pas sombrer dans l’obscurité et la mort.
On comprend l’attrait exercé par ce culte sur nombre de romains déçus de l’évolution de leur civilisation et cherchant une nouvelle raison d’être. Pourtant, c’est une autre proposition qui va gagner le cœur de l’Empire : non pas le salut dans la force violente de Mithra, mais dans la force d’amour d’un crucifié : le Christ. Pour l’accueillir, il ne s’agit pas de se montrer supérieur, mais d’ouvrir son cœur à l’amour librement donné à tous, en particulier aux plus petits.
ECHO SPIRITUEL
En Jésus, Dieu nous sauve librement, gratuitement, sans avoir à rechercher une quelconque puissance ésotérique. Paradoxalement, cette gratuité est souvent ce qui est le plus difficile à accepter. Car nous ne pouvons pas nous empêcher de vouloir gagner notre salut, d’en être d’une façon ou d’une autre les auteurs. Nous ne voulons pas dépendre entièrement de la bonté de Dieu. N’est-ce pas parce que nous aurions trop peur de nous retrouver emprisonnés, privés de tout pouvoir de décision sur nous-mêmes ?
Même dans le sein de la foi chrétienne, la tentation est parfois grande de chercher le moyen de faire valoir nos mérites pour être jugés un peu mieux que les autres. Sans doute m’est-il arrivé d’expérimenter ce combat intérieur.
Le salut, la liberté véritable, la connaissance parfaite ne sont pas le résultat de nos efforts, mais ce que Dieu offre à qui s’abandonne en toute confiance à son amour. Là se trouve l’originalité de l’Évangile, aujourd’hui encore.