L’Empire du Temps sur le monde

la Fortune tenant la voile et la Mort le gouvernail

France, vers 1550-1600

138 - empire du temps sur le monde

« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (…) J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie, ni les esprits, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ Notre Seigneur. »

(Lettre de Saint Paul aux Romains, 8, 31.38-39)

ENTRÉE

Ce bas-relief en marbre représente une scène allégorique, d’inspiration plutôt antique. Sculpté par un anonyme du XVIème siècle, il proviendrait du cimetière des Innocents à Paris.

La scène représentée  exprime une connivence entre l’aléatoire de l’existence, le temps et la mort. Depuis le XIVème siècle,  les épidémies, les guerres de religion, l’évolution des idées modifient les représentations de la mort qui s’impose alors avec sa brutalité et inspire à l’art des thèmes macabres, destinés notamment à la méditation sur la fragilité, la fugacité de la vie humaine.

 

LECTURE DE L’OEUVRE

 

138 - lempire du temps sur le monde - fortuneUn navire vogue sur les flots d’une mer instable ; c’est l’image de notre vie fragile et menacée. Sur la proue, une figure féminine à la longue mèche tend les bras pour tenir la voile captant le vent : il s’agit de la Fortune personnifiant ici l’occasion que l’on peut saisir ou à l’inverse manquer.

 

138 - lempire du temps sur le monde - mort

Sur l’autre extrémité, un squelette ailé tient de sa main gauche, un arc et une faux en guise de gouvernail tandis que son bras droit esquisse un geste menaçant : il figure la Mort et sa fatalité.

 

138 - lempire du temps sur le monde - tempsUn vieillard ailé, campé sur le globe du Monde, surplombe la scène. Il porte d’une main le sablier, symbole du temps qui s’écoule inexorablement et de la brièveté de notre vie, tandis que de l’autre main, il manœuvre les cordages de la voile : il représente le Temps dirigeant à son gré la vie et le sort des hommes.

 

 

 

138 - lempire du temps sur le monde - globeDans le paysage gravé sur le globe, soleil et lune rappellent le temps cyclique de la nature. Arbres et villes bordent une étendue marine où le naufrage du bateau semble perçu comme inéluctable.

Les visages des figures humaines ont été volontairement dégradés, peut-être en réaction à cette représentation tragique et plutôt païenne du temps : un temps qui exerce sa toute-puissance sur notre vie, sur notre corps, et engendre le sentiment de notre déclin, d’un anéantissement, excluant tout véritable avenir.

 

ECHO SPIRITUEL

Comment vivons-nous le temps qui passe ? Nous voulons le maîtriser, alors nous le remplissons par l’accumulation des choses à faire. Mais cette frénésie ne nous satisfait pas. Lorsqu’il impose des bouleversements douloureux ou efface nos rêves, nous cherchons à l’oublier. Confrontés au caractère destructeur du temps, nous sommes saisis par l’inquiétude et l’angoisse, voire le désespoir de notre finitude.

138 - empire du temps sur le monde - le tempsDepuis que le Christ est entré dans l’histoire, le chrétien sait que l’homme n’est plus esclave d’un temps qui passe sans qu’on ne sache vraiment où il nous conduit. Il affronte la difficulté, la tristesse, la souffrance en sachant qu’il y a un horizon. Pour lui, le temps a pris sens puisqu’il est mystérieusement rejoint par la présence discrète de Dieu et de son amour.

Chaque minute qui s’écoule est un rendez- vous divin : tout événement est le moment favorable où l’éternité infinie de Dieu vient à nous pour nous aimer, nous sauver de la peur et de la désespérance. Répondrons-nous présents ?