Portrait de Bertin

Louis-François Bertin

par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1833)

204 bertin - ingres 3

« Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie (…). Regardez les oiseaux du  ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent point dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Et qui d’entre vous peut, par son inquiétude, prolonger tant soit peu son existence ? »

(Evangile selon Saint Matthieu 6, 25-27)

ENTRÉE

Il s’agit d’un portrait parmi les plus célèbres de la peinture française. Suiveur de David, passionné de l’Antiquité classique, Ingres rend compte avec une technique exceptionnelle de la personnalité de ses modèles. Il en est ainsi pour Monsieur Bertin, chef de file de la bourgeoisie alors triomphante sous la Monarchie de Juillet.

LECTURE DE L’OEUVRE

204 bertin - ingres - buste 2Assis, le magnat de la presse, directeur du « Journal des Débats » au service du pouvoir de Louis-Philippe, trône et impose au spectateur un ego qui écrase. Son regard et les multiples traits du visage rendent l’expression des sentiments presque insaisissable. L’homme paraît fermé, sûr de lui, voire lutteur et glacial. Il est difficile de percevoir de la bienveillance. En occupant toute la place sur la toile, l’individu s’impose résolument au regard de sa fonction.

On peut parler d’une certaine caricature. N’a-t-on pas comparé Bertin à un rapace, prêt à bondir ? Si l’on ne choisit pas son corps, Ingres semble utiliser l’embonpoint de Bertin pour renforcer l’image d’un orgueil démesuré. Le « moi » se gonfle et jusque dans les doigts boursouflés. La réussite sociale n’explique pas tout. Ingres n’a-t-il pas d’abord souhaité montrer la complexité psychologique de l’individu crispé, accroché à son pouvoir ?

L’absence d’ouverture sur l’extérieur crée l’impression d’un monde repu, replié sur lui-même et satisfait de lui, assis sur ses richesses, résolument centré sur son destin terrestre. Mais de ce fait, Bertin n’est-il pas ici représenté comme enfermé dans une certaine solitude ?

 

ECHO SPIRITUEL

D’une façon ou d’une autre, ce portrait nous invite à questionner l’âme. Bertin ne regarde ni vers le ciel, ni un quelconque ouvrage, mais un rival, « son » concurrent : nous avons l’impression qu’il nous foudroie du regard.

L’observation, même rapide, du portrait d’Ingres me conduit nécessairement à considérer mes choix, mes engagements, les regards que je porte sur le monde et les autres : où est mon « essentiel » ? Le Salut vient de Dieu et c’est dans la mesure où je m’abandonne à la confiance, à la Providence que je deviens libre pour aimer.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Deux dynamiques semblent s’opposer dans nos vies humaines : mal/souffrance/peur ou confiance/liberté/amour. C’est parce que le Christ rend possible de dépasser la première pour entrer dans la deuxième qu’il représente, pour tous les chrétiens, l’accomplissement de notre humanité. « Ecce homo » (Voici l’homme) dit Pilate en exposant à la foule violente un Jésus torturé et humilié (Évangile selon saint Jean 19,5). Traversant par amour pour nous le mystère du mal, il nous ouvre le chemin de l’épanouissement total. Il nous révèle ainsi notre véritable destinée, ce pour quoi nous existons.

Nous espérons que ce parcours dans la Galerie du temps vous aura permis d’entrer un peu plus dans ce que la foi chrétienne nous dit du mystère de l’être humain. Merci de votre confiance. Pardon pour les imperfections de nos commentaires. Au plaisir de nous retrouver pour d’autres méditations.

« Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous »

(Première lettre de saint Paul aux Thessaloniciens 5,28).