Saint Matthieu et l’ange

La réforme catholique au XVI^e s. précise que « Dieu est l’unique auteur de l’Ancien et du Nouveau Testaments » puisqu’ils ont été « dictés par le Saint Esprit ». Mais le développement de la science vient interroger une telle affirmation : la vérité de la Bible est d’un autre ordre. On ne peut comprendre son message divin qu’en cherchant à saisir l’expérience de ses auteurs humains.

En 1661, Rembrandt a 55 ans. Endetté, très éprouvé par les décès de sa femme et de trois enfants, son art devient plus retenu, intimiste, davantage tourné vers le mystère. Son intérêt est croissant pour les thèmes religieux, mais il préfère les explorer par des personnages solitaires et non plus des scènes de groupe.

LECTURE DE L’OEUVRE

Ce qui frappe dans l’interprétation que Rembrandt donne de « L’inspiration de Saint-Matthieu », c’est qu’il n’est plus question, comme avant, d’une « dictée » de l’Esprit-saint, symbolisé ici par un jeune homme. D’ailleurs, Matthieu a suspendu son acte d’écriture. Il est plongé dans une profonde méditation, son regard perdu dans le vide. En fait, il semble regarder au fond de lui-même et ignorer la présence du personnage qui effleure son épaule. Seuls le nez et la bouche entrouverte du jeune homme sont éclairés. Comme si le léger souffle qui en sortait était la source illuminant le visage du vieil homme.

La main sur la poitrine trahit le saisissement qui envahit l’auteur biblique : il fait mémoire, relit son histoire avec Jésus, rassemble les souvenirs et les témoignages. Il réfléchit, met en lien avec l’attente de son peuple et le témoignage des anciennes Écritures. Et soudain il comprend. Voilà la lumière, la visite intérieure et insoupçonnée de l’ange, ce souffle imperceptible qui va pourtant permettre à ce livre de devenir lui-même lumière.

Le visage de Matthieu est concentré, mais pourtant paisible, presque souriant ; il nous parle d’amour : la connaissance qui s’ouvre à lui est amour profond, un feu qui réchauffe sans consumer. C’est ce qu’il va alors coucher sur le livre : Rembrandt nous décrit ainsi magnifiquement en quoi son Évangile est inspiré.

ECHO SPIRITUEL

En admirant ce tableau, peut-être aurons-nous envie d’ouvrir ou de redécouvrir « l’Évangile selon Saint-Matthieu » en ayant conscience que cette Parole de Dieu a été reçue et travaillée dans le cœur et l’esprit d’un homme disponible avant d’être écrite.

Le concile Vatican II (1965) nous rappelle que « Dieu qui est invisible s’adresse aux hommes comme à des amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec Lui et les recevoir en cette communion » (DV 2). Avec moi aussi, si je le désire.